mardi 19 février 2013

Here comes the sun et le doigt de Bárcenas


Vous aurez sans doute remarqué qu'au début du mois de février, il arrive souvent qu'il fasse beau. Après un dur et interminable mois de janvier, souvent pluvieux ou gris, arrive le lumineux et court mois de février. Une sorte de petite compensation climatique, quelques froids beaux jours comme si quelque force mystérieuse nous donnait de quoi nous réconforter pour un bref instant d'hiver. 

Ce ne sera sans doute pas non plus par hasard qu'en ce moment, la chanson que je réécoute intensément après l'avoir adoré ado, c'est Here comes the sun, une des perles musicales de George Harisson du temps des Beatles. Elle donne de quoi se sentir bien cette chanson, régénéré, elle donne de l'énergie infiniment positive quand on en a besoin. Personnellement, elle me motive bien avant d'entrer en cours. Elle a même récemment réconforté les chômeurs d'une agence du SEPE (Pôle emploi espagnol) lors d'une flashmob organisée par une très bonne émission de radio. Il y a eu aussi la publicité de Campofrío rappelant les hauts mérites d'une Espagne en plein doute sur elle-même depuis la crise. Bref, après une année 2012 si difficile, il semble que tout le monde ne demande qu'à être réconforté. Or, il y a eu plusieurs bonnes nouvelles qui donnent de quoi espérer. 

La plus grande réussite récente sera sans doute l'initiative populaire arrivée au Congrès, dont la chambre a accepté d'examiner le projet. Forte d'1,4 millions de signatures (un million est normalement requis, le Congrès décide ensuite de l'étudier ou non, voire de simplement l'ignorer), c'est une pétition qui a tourné depuis maintenant plusieurs mois grâce à la mobilisation de la Plataforma de Afectados por la Hipoteca, et qui ne pouvait être ignorée par la majorité de droite, embourbée comme elle l'est dans les soupçons de corruption massive. Au niveau politique, on fera sans doute tout pour réduire la portée de la proposition populaire, qui exige la dation en paiement, c'est-à-dire, la possibilité de compenser le remboursement d'une dette par la cession du bien immobilier. 

Le fait est bien là : en quelques jours, deux initiatives populaires ont été approuvées, celle-ci mais également le fait de déclarer patrimoine culturel les fêtes taurines (on passera là-dessus). Ça a de quoi consoler, un peu comme le soleil de février : on a beau avoir un pouvoir exécutif corrompu et sans aucune légitimité, on a malgré tout des citoyens qui se mobilisent et font légiférer ce qu'un gouvernement n'aurait pas le courage de proposer. 

Rance

Un peu plus trivial, mais important aussi : la cérémonie des Goya, l'équivalent des César, où on a eu aussi bien droit à un discours d'inauguration tranchant qu'au témoignage de plusieurs célébrités prêtes à dénoncer ce qui se passe actuellement en Espagne. Le blog du Monde sur l'Espagne en a fait un bon compte-rendu. 
C'est évident, il y a quelque chose qui bouge dans cette société, et ce n'est pas la movida. C'est cette Espagne citoyenne et active qui n'accepte plus l'Espagne inerte, celle qui souhaiterait garder la monarchie et préférerait taire la corruption, comme au 'bon' vieux temps de Franco. Elle existe, elle vit dans une autre planète, et je crois qu'on peut avoir la meilleure représentation de cette Espagne dans cette photo : 


Ce Monsieur-là, c'est Luis Bárcenas, et ce geste-là, c'est ce qu'on appelle ironiquement une peineta en espagnol, comme ces petits accessoires de coiffure que les femmes portent pour la Semana santa. 

L'Espagne dont on parle, de droite, rance, conservatrice mais roublarde, elle a en plus le talent pour être arrogante. M. Bárcenas, alors qu'il est soupçonné d'avoir frauduleusement maintenu pendant deux décennies un système de rémunérations illégales de tous les dirigeants de la droite, a décidé d'aller faire du ski au Canada. Pas de n'importe quelle façon : à partir d'un hélicoptère qui l'emmènerait sur les pistes les plus blanches et les plus naturelles. Je ne savais pas que ça existait, mais ça existe, et ça s'appelle le héliski. 

À son retour, Bárcenas n'a pas trouvé mieux à faire que de pointer un doigt bien évident aux médias. Or, il devrait sans doute le savoir, en montrant son doigt aux photographes, l'effet obtenu n'est pas d'envoyer chier les médias, mais bien le public. Bárcenas ne supporte plus les médias, mais en gros, il donne plutôt la sensation de nous dire à tous, travailleurs d'Espagne, contribuables ou chômeurs, mères de famille et indigents, qu'on peut gentiment aller se faire foutre et que de son vivant, il n'entrera jamais dans une cellule. Tant de bêtise associée à tant de vulgarité et d'orgueil, de quoi faire perdre le moral quant au futur réservé à la démocratie espagnole...

On aime être réconforté, mais malheureusement, les initiatives populaires, les discours engagés ne sont que de courtes étapes sur un chemin à parcourir encore long. Comme l'a dit l'actrice Maribel Verdú aux Goya, l'Espagne doit, rien de moins, en finir avec "un système brisé, injuste, obsolète, qui permet de voler aux pauvres pour donner aux riches".

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